"Israël" / "Juif" : l'évolution du vocabulaire...
Au retour d'exil, le mot "Israël" retrouve son sens premier : l'ensemble du peuple d'Israël. Or il commence à être remplacé par le mot "Juif".
Au retour d'exil, le mot ''Israël'', après avoir désigné le royaume du Nord, retrouve son sens premier : l'ensemble du peuple d'Israël. Mais il commence alors à être remplacé par le mot ''Juif''. Mise au point de vocabulaire.
Israël
Spontanément, le mot Israël évoque pour nous aujourd'hui l'État d'Israël, fondé en 1948, et les Israéliens. Mais dans la Bible on parle des Israélites : c'est différent. D'où vient ce nom Israël ? Dans le récit de Jacob au gué du Yabboq (Gn 32,23-33), à la fin du combat nocturne contre un mystérieux adversaire, celui-ci, battu, lui donne le nom d'Israël, « car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes, et tu as été le plus fort » (Gn 32,29). Est-ce une allusion aux luttes de Jacob contre son frère Ésaü, contre ses rivaux et voisins ? ou contre Dieu lui-même ? Le nom Israël peut signifier aussi : « Que Dieu se montre fort ». Le surnom donné à Jacob devient le nom des descendants de ses 12 fils : « les fils d'Israël » ou Israélites. En Égypte, ils sont appelés « Hébreux »; ce nom est d'origine obscure: peut-être vient-il de Habirou (ou Apirou) : des sémites mal contrôlés, tantôt employés aux corvées, tantôt mercenaires. C'est Israël que Dieu choisit pour faire alliance ; il est le peuple élu : « Si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples » (Ex 19,5).
Les récits sur les origines de la royauté de David font souvent la distinction entre deux parties du royaume: Israël et Juda (2 S 5,5). C'est encore plus net quand le royaume du Nord prend son autonomie, après Salomon en 932 : il est appelé « royaume d'Israël ». Élie, Élisée et Osée sont prophètes en Israël; tandis qu'Isaïe et Jérémie le sont en Juda. Amos, originaire de Juda mais envoyé par Dieu en Israël, en sera expulsé (Am 7,10-17). Ce royaume d'Israël est conquis par les Assyriens en 722 : il a duré deux siècles.
Après l'exil, le mot 'Israël' retrouve son sens premier : l'ensemble du peuple d'Israël, mais il est désormais souvent remplacé par le mot 'Juif'. Avant l'Ascension, les disciples demandent à Jésus s'il va rétablir la royauté pour Israël (Ac 1, 6).
Juif
Juif est la déformation française du mot Judéen (hb. yehoudi) , c'est-à-dire habitant de la Judée (Juda avant l'exil). On ne parle donc des Juifs qu'à partir de l'exil des Judéens à Babylone (VIe siècle). Comme ce temps de l'exil a été une période de refondation de la religion d'Israël (avec la formation du Pentateuque, la Torah), on y voit volontiers la naissance du « judaïsme » : une religion qui peut être vécue aussi bien en Judée qu'en Babylonie (ou dans d'autres diasporas).
L'autre période charnière du judaïsme est la destruction du Temple et de Jérusalem en 70 de notre ère, qui entraîne une réorganisation de la religion juive sans le Temple (par l'assemblée de Yavné, vers 80-90). C'est la fondation du « judaïsme rabbinique », inspiré par la théologie pharisienne jusqu'au judaïsme actuel.
On accuse parfois le Nouveau Testament et les Évangiles d'être antisémites, ou plutôt anti-juifs. Au cours de l'histoire de l'Église, on s'est en effet servi de certains textes pour justifier l'antisémitisme, mais il faut les resituer dans leur contexte.
- Les invectives de Jésus contre les pharisiens en Mt 23 se comprennent par l'opposition des chrétiens aux autorités juives d'après 70, issues des Pharisiens.
- Chez Jean, l'expression « les Juifs » a plusieurs sens : les Judéens ; les responsables opposés à Jésus ; le peuple juif. N'oublions pas que « le salut vient des Juifs » (Jn 4, 22).
- Paul antisémite ? Il s'oppose aux judéo-chrétiens plus souvent qu'aux Juifs. Dans le petit traité de Rm 9-11 il expose sa théologie des relations entre Israël et les chrétiens. Il a toujours été fier de son origine juive (2 Co 11,22).