204 - Jézabel
SCE 204

Liminaire

La réception de Jézabel, la fameuse reine idolâtre ennemie d’Élie, a surpris notre comité. Sans doute parce que nous avions en tête quelques vers de Racine et aussi une chanson d’Édith Piaf ou de Sade, nous pensions que ce serait un sujet facile et abondant. En réalité, il n’en est rien.

En effet, malgré son caractère flamboyant, malgré sa mort horrifique et sublime, elle n’a pas eu l’air de beaucoup intéresser jusqu’à la fin du Moyen Âge. Ce n’est qu’à partir de la Réforme qu’on commence véritablement à se passionner pour elle.

Cette apparition tardive ne doit pas surprendre. Comme toujours, la Bible se lit au miroir des préoccupations de chaque époque et il fallut attendre la montée sur le trône de puissantes reines comme Marie Stuart, Élisabeth I re d’Angleterre, ou bien l’emprise d’influentes reines mères comme Catherine de Médicis, pour qu’on retrouve l’épouse d’Achab.

Mais surtout, la postérité de Jézabel est le reflet de l’histoire des femmes depuis le XVI siècle : célébrées dans les lettres et les arts comme des muses et des inspiratrices, elles sont souvent infériorisées dans la société, accusées d’être des séductrices. Comme de nombreuses figures bibliques négatives, on s’approprie Jézabel en passant de la politique et la religion à la morale : la voilà l’incarnation de la femme fatale, couverte de fard, qui par ses artifices capiteux fait sortir les hommes des bonnes mœurs. Jézabel mettra longtemps à se rétablir de cette figure de corruptrice, et disons-le sans détour, de prostituée. L’a-t-elle d’ailleurs réussi totalement ?

Régis BURNET